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Pour un matérialisme de l'imaginaire : Althusser lecteur de Freud et de Spinoza

Colloque annuel de
clôture du séminaire de philosophie politique «Penser la transformation».


Mardi 28 mai 2013.

Université de Montpellier 3, site Saint Charles

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Résumé

Dans les années soixante et soixante-dix du XXe siècle, Althusser, dans le cadre de son « retour à Marx », entreprend d'en expliciter la philosophie latente, et, conjointement, d'élaborer la théorie de l'idéologie (de sa nécessité et de son autonomie relative) qui manquait encore au marxisme. Ce retour à Marx est fortement marqué par le « retour à Freud », tel qu'il fut engagé par Lacan quelques années auparavant. Ainsi, Althusser déclare, dans « Idéologie et Appareils idéologiques d'État » (1970), qu'il entend « proposer une théorie de l'idéologie en général, au sens où Freud a proposé une théorie de l'inconscient en général ». L'idéologie telle que la conçoit Althusser, loin de se réduire à l'ordre du reflet inversé, de l'erreur ou des illusions caractéristiques de la conscience, détient des lois et une systématicité propres, analogues à celles du système Inconscient dans sa thématisation freudienne. L'idéologie, au titre de « "représentation" du rapport imaginaire des individus à leurs conditions réelles d'existence », est définie par une spécularité double, corrélative de sa nécessité, et également de sa « matérialité » (son inscription dans les « appareils idéologiques d'État »).

Toutefois, cette théorie de l'idéologie, qu'Althusser nomme également matérialisme de l'imaginaire, ne se constitue pas simplement à partir d'un retour à Marx redoublé d'un retour à Freud. Elle se nourrit également du « détour par Spinoza »  : la théorie spinoziste de l'imagination, fondée sur une analyse du corps affecté engageant le rapport primordial des hommes au monde, fournit le premier modèle, pour Althusser, de ce matérialisme de l'imaginaire qu'il entend constituer à travers sa relecture de Marx.

Nous nous interrogerons sur le statut de cet entrecroisement des lectures althussériennes de Freud et de Spinoza. Si la nécessité et la cohérence d'un tel entrecroisement sont manifestes, concernant en particulier la critique du psychologisme et plus généralement le rejet des « philosophies de la conscience », elles n'en laissent pas moins subsister un point aveugle, qui n'est autre que la question du sujet. Si la psychanalyse (dans sa détermination freudienne-lacanienne), distingue précisément entre le moi imaginaire et le sujet, au titre de sujet de l'inconscient, il semble que la référence à Spinoza renforce chez Althusser une critique radicale de la catégorie même de sujet, identifiée du reste à la catégorie fondamentale de l'idéologie. C'est cette ambivalence du traitement althussérien de la catégorie de sujet qui constitue l'un des principaux enjeux de la double référence à Freud et à Spinoza.

Texte intégral

Dans les années soixante et soixante-dix du XXe siècle, Althusser, dans le cadre de son « retour à Marx », entreprend d'en expliciter la philosophie latente, et, conjointement, d'élaborer la théorie de l'idéologie (de sa nécessité et de son autonomie relative) qui manquait encore au marxisme. Ce retour à Marx est fortement marqué par le « retour à Freud », tel qu'il fut engagé par Lacan quelques années auparavant. Ainsi, Althusser déclare, dans « Idéologie et Appareils idéologiques d'État » (1970), qu'il entend « proposer une théorie de l'idéologie en général, au sens où Freud a proposé une théorie de l'inconscient en général ». L'idéologie telle que la conçoit Althusser, loin de se réduire à l'ordre du reflet inversé, de l'erreur ou des illusions caractéristiques de la conscience, détient des lois et une systématicité propres, analogues à celle du système Inconscient dans sa thématisation freudienne.  L'idéologie, au titre de « « représentation » du rapport imaginaire des individus à leurs conditions réelles d'existence », est définie par une spécularité double, corrélative de sa nécessité, et également de sa « matérialité » (son inscription dans les « appareils idéologiques d'État »).

Toutefois, cette théorie de l'idéologie, qu'Althusser nomme également matérialisme de l'imaginaire (Éléments d'autocritique, 1974, ch. 4, « Sur Spinoza »), ne se constitue pas simplement à partir d'un retour à Marx redoublé d'un retour à Freud. Elle se nourrit également du « détour par Spinoza » : la théorie spinoziste de l'imagination, fondée sur une analyse du corps affectant-affecté engageant le rapport primordial des hommes au monde, fournit le premier modèle, pour Althusser, de ce matérialisme de l'imaginaire qu'il entend constituer à travers sa relecture de Marx.

Nous nous interrogerons sur le statut de cet entrecroisement des lectures althussériennes de Freud et de Spinoza. Si la nécessité et la cohérence d'un tel entrecroisement sont manifestes, concernant en particulier la critique du psychologisme et plus généralement le rejet des « philosophies de la conscience », elles n'en laissent pas moins subsister un point aveugle, qui n'est autre que la question du sujet. Si la psychanalyse (dans sa détermination freudienne-lacanienne), distingue précisément entre le moi imaginaire et le sujet, au titre de sujet de l'inconscient, il semble que la référence à Spinoza renforce chez Althusser une critique radicale de la catégorie même de sujet, identifiée du reste à la catégorie fondamentale de l'idéologie. C'est cette ambivalence du traitement althussérien de la catégorie de sujet qui constitue l'un des principaux enjeux de la double double référence à Freud et à Spinoza.

I Le projet althussérien d'une théorie de l'idéologie

Le retour à Marx, le retour à Freud, et le détour par Spinoza

La revendication d’un matérialisme de l’imaginaire renvoie au programme althussérien d’une théorie authentiquement matérialiste de l’idéologie, sous la double égide de Spinoza et de Freud : théorie non mécaniste, articulée à l'affirmation d'une autonomie de la superstructure, et qui se trouve particulièrement développée, en relation au thème de « l’éternité «  de l’idéologie, dans le texte de 1970 intitulé Idéologie et appareils idéologiques d’État[1].

Venons-en, plus précisément, à ce thème de l'éternité de l'idéologie (duplication de « l'éternité de l'Ics »), qui signifie principalement sa nécessité et son anhistoricité : celles-ci sont autant de marques de la « matérialité » propre de l'idéologie, c'est-à-dire, également, de sa réalité spécifique (dont la fonction généraleest d'assurer, sur un moderelativement autonome (l'ordre spécifique de la superstructure), la « reproduction des rapports de production »). Il faut donc, à travers l'affirmation de l'éternité et de la matérialité de l'idéologie, postuler l'existence de lois spécifiques à celle-ci, au principe de son efficace singulière (tout comme Freud, dès la Traumdeutung, a postulé, à travers la notion de processus primaire, de travail du rêve, l'existence de lois spécifique de l'Ics, du système Ics).

La thèse de la matérialité de l'idéologie est dirigée contre la théorie, pré-marxiste même si on la trouve paradoxalement sous la plume de Marx dans L'Idéologie allemande, de l'idéologie comme « néant », comme erreur, comme structure fantasmatique sans réalité effective, autre que la « vie réelle » qu'elle représente illusoirement sur le mode du renversement, tel un reflet, un mirage, ou une « camera obscura », semblable en ceci à la conscience et à son régime spécifique, celui de l'illusion. A cet égard, la théorie de l'Idéologie comme camera obscura, chez Marx, n'est pas encore marxiste, elle est pré-marxiste, il s'agit encore d'une « théorie idéologique de l'idéologie ». 

D'où le programme d'Althusser en ces années (1965-1970), qui vise à construire, précisément, une théorie scientifique, en l'occurrence matérialiste, de l'idéologie, en accord avec la « philosophie latente » de Marx, et contre les déviances d'un marxisme « mécaniste » (qui posait la détermination univoque de la superstructure par l'infrastructure, et réduisant l'idéologie à un simple reflet inversé de la vie réelle, selon un modèle de spécularité simple).

Considérons tout d'abord un premier enjeu du programme althussérien, consistant à établir la systématicité de l'idéologie.

L'analogie cruciale idéologie / Inconscient (à partir de la double lecture de Freud et de Lacan), est proposée dès 1965, dans Pour Marx ; elle a pour fonction d'établir une telle systématicité[2]. Elle constituera ensuite la ligne programmatique du texte de 1970, I et AIE.

Cette analogie permet d'arracher l'idéologie au régime spectral de la conscience et de ses illusions, et de mettre hors circuit, par conséquent, la définition (inadéquate, idéologique) de l'idéologie comme erreur ou reflet inversé, comme néant fantasmatique, comme ignorance.

La nécessité de l'idéologie (quelles que soient les formations sociales), se manifeste dans son caractère « anhistorique », dans la mesure où elle est inéliminable. Se trouve ici en jeu la définition de l'homme comme « animal idéologique » : cette définition paraît répondre rigoureusement à la définition lacanienne de l'homme comme animal symbolique, structurellement en proie au langage, nécessairement assujetti à la puissance du symbolique (et donc assujetti à l'ICS et à ses lois, assujetti à l'ordre symbolique, et se constituant précisément comme sujet dans ce rapport fondamental à l'ordre symbolique). C'est une des thèses cruciales du texte de Lacan intitulé « Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse » (Rapport du Congrès de Rome de 1953), dans lequel se donne à entendre la formule suivante : « Les symboles enveloppent en effet la vie de l'homme d'un réseau si total qu'ils conjoignent avant qu'il vienne au monde ceux qui vont l'engendrer « par l'os et par la chair », qu'ils apportent à sa naissance avec les dons des astres, sinon avec les dons des fées, le dessin de sa destinée, qu'ils donnent les mots qui le feront fidèle ou renégat, la loi des actes qui le suivront jusque là même où il n'est pas encore et au-delà de sa mort même, et que par eux sa fin trouve son sens dans le jugement dernier où le verbe absout son être ou le condamne (...) »[3].  

C'est cette puissance du symbolique qu'Althusser, dans l'article « Freud et Lacan » de 1964, avait identifiée à la loi de Culture, et à sa nécessaire antécédence, toujours-déjà à l'œuvre, sur toutes les étapes du devenir-sujet de l'enfant, sur toutes les étapes de l'humanisation, qui sont autant d'étapes de la subjectivation[4]. Cette thèse lacanienne de l'assujettissement au symbolique, au principe du devenir humain de l'enfant, se retrouve du reste reprise par Althusser dans I et AIE, et attribuée à Freud. La référence à Freud est en effet cruciale dans  le passage de I et AIE consacré aux « rituels qui entourent la naissance d'un enfant », à l'antécedence du Nom du Père[5] : cette référence a pour fonction d'éclairer la question de la nécessaire inscription du sujet dans les  Appareils Idéologiques d'État. 

Le deuxième aspect du programme althussérien tend à établir l'irréductibilité de l'idéologie à la sphère de la représentation. Tel est un des enjeux fondamentaux de la thèse de la matérialité de l'idéologie, liée à sa nécessaire inscription dans les formations sociales, dans le monde social. Or, la thèse de la matérialité de l'idéologie trouve une première illustration décisive, selon Althusser, avec la théorie spinoziste du premier genre de connaissance, en l'occurrence la théorie de l'imagination telle qu'elle se donne en particulier à lire dans l'Éthique.

La référence à Spinoza, et à la théorie spinoziste de l'imaginaire, est particulièrement à l'œuvre dans les Éléments d'autocritique, de 1974. Au chapitre 4 de l'ouvrage, intitulé « Sur Spinoza, se trouve évoquée la critique spinoziste des catégories d'origine, de transcendance, d'Arrière-Monde et également (c'est la différence cruciale avec la perspective hégélienne) de Fin . La critique spinoziste se révèle ainsi plus radicale que celle de Hegel, dans la mesure où elle rompt avec toute téléologie. D'où la nécessité du détour par Spinoza, pour penser le rapport Marx-Hegel, pour donner « des arguments au matérialisme », et pour s'affranchir de toute représentation téléologique (fût-elle mécaniste) du processus historique. Le projet spinoziste de critique de l'idéologie (la religion, la superstition, la croyance aux causes finales, l'illusion du libre arbitre) se double d'une enquête généalogique concernant les mécanismes spécifiques de l'idéologie : il se double en l'occurrence d'une théorie de l'imagination, de ses lois spécifiques, et de son inscription structurelle dans le monde social, dans le monde humain. Par là se donne à entendre la nécessité anthropologique de l'idéologie, en l'espèce de l'imaginaire réassigné à ses conditions dans le monde matériel et social. Ainsi peut-on lire, toujours au chapitre 4 des  Éléments d'autocritique : 

« Faut-il ajouter que si Spinoza s'interdit tout usage de la Fin, il fait la théorie de son illusion, nécessaire, et donc fondée ? Dans l'Appendice du Livre I de l'Éthique, et dans le Traité Théologico-Politique, nous trouvions en effet ce qui est sans doute la première théorie de l'idéologie, qui ait jamais été pensée, avec ses trois caractères : 1) sa « réalité » imaginaire 2) son inversion interne 3) son centre : l'illusion du sujet. Théorie abstraite de l'idéologie, dira-t-on ! Je veux bien : mais trouvez mieux avant Marx, qui n'a guère été bavard sur la question, sauf dans L'Idéologie allemande, où il l'est trop. Et surtout : il ne suffit pas d'épeler la lettre d'une théorie, il faut encore voir comment elle joue, c'est-à-dire, puisqu'elle est encore un dispositif de thèses, ce qu'elle refuse et ce qu'elle autorise. La « théorie » de Spinoza refusait toute illusion sur l'idéologie, et sur la première idéologie de ce temps, la religion, en l'identifiant comme imaginaire. Mais en même temps elle refusait de tenir l'idéologie pour simple erreur, ou ignorance nue, puisqu'elle fondait le système de cet imaginaire sur le rapport des hommes au « monde » exprimé par l'état de leur corps. Ce matérialisme de l'imaginaire ouvrait la voie à une conception surprenante du Premier Genre de Connaissance : tout autre chose qu'une « connaissance », mais le monde matériel des hommes tel qu'ils le vivent, celui de leur existence concrète et historique. Est-ce abusif ? A certains égards, peut-être, mais on peut lire ainsi Spinoza. De fait, c'est bien ainsi que ces catégories fonctionnent audacieusement dans l'histoire du peuple hébreu, de ses prophètes, de sa religion, et de sa politique, où se dessine clairement le primat de la politique sur la religion, dans le premier ouvrage qui, après Machiavel, ait offert une théorie de l'histoire »[6].

Althusser donc, dans son projet d'élaboration d'une théorie scientifique de l'idéologie (comblant les silences ou les « bavardages » de Marx à ce propos), se présente comme le continuateur de Spinoza, dans la lignée directe du projet spinoziste inaugural de ce « matérialisme de l'imaginaire » qui se dessine de façon inouïe au XVII e siècle (en référence, notons-le, avec une théorie « non cartésienne » de la connaissance). Certes, quelques pages plus loi dans les Éléments d'autocritique, Althusser pointe le caractère encore « formaliste » de cette théorie spinoziste de l'idéologie, dans la mesure où elle serait insuffisamment articulée à la lutte des classes au cœur des formations historico-sociales, autrement dit à la contradiction – la lutte des classes – comme principe du processus historique. Althusser précise en effet :

« Assurément, un marxiste ne peut pas faire le détour par Spinoza sans le payer. Car l'aventure est périlleuse, et quoi qu'on fasse il manquera toujours ce que Hegel a donné à Marx : la contradiction. Pour ne prendre qu'un seul exemple, cette « théorie de l'idéologie », et cette interprétation du « Premier Genre de Connaissance » comme monde concret et historique des hommes vivant (dans) la matérialité de l'imaginaire, me conduisaient tout droit à une conception (dont on retrouve les titres dans L'Idéologie allemande) : matérialité / imaginaire, inversion / sujet. Mais je voyais l'idéologie comme l'élément universel de l'existence historique : et je n'allais pas alors plus loin. Je laissais ainsi pour compte la différence des régions de l'idéologie, et les tendances antagonistes qui les traversent, les divisent, les regroupent et les opposent. L'absence de la « contradiction » faisait son œuvre : il n'était pas question de la lutte des classes dans l'idéologie. Par la brèche de cette « théorie » de l'idéologie pouvait alors s'engouffrer le théoricisme : science / idéologie. Ainsi de suite.

Mais en dépit de tout, il me semble que le compte n'est pas nul. Nous voulions comprendre le détour de Marx par Hegel. Nous avons fait le détour par Spinoza : à la recherche d'arguments pour le matérialisme. Nous en avons trouvé quelques-uns »[7]

Mais quoi qu'il en soit de ce passage « auto-critique », de ces tours et détours, il n'en demeure pas moins que jusque dans ses derniers écrits consacrés au « matérialisme aléatoire »,  Althusser  persiste à revendiquer comme indéfectiblement sien, ce projet d'un matérialisme de l'imaginaire, indissociable de la critique, continuée, de la philosophie transcendantale et des catégories de fin, d'ordre, d'origine et de sujet. La théorie du matérialisme imaginaire, et le rejet d'une « philosophie du sujet » forment système. Si bien que la référence au matérialisme de l’imaginaire d’obédience spinoziste se retrouve expressément à l’œuvre dans les textes d’Althusser consacrés au matérialisme de la rencontre, en rapport également à la thèse du « fait » du monde. Ainsi, évoquant dans le texte de 1982 intitulé « Le courant souterrain du matérialisme de la rencontre », la philosophie de Spinoza, et en particulier sa théorie du premier genre de connaissance, Althusser écrit, à propos de la puissance de l’imaginaire : « C’est ainsi. On peut en rester au premier genre ou ne pas y rester. Il n’y a pas comme chez Descartes de nécessité immanente qui fasse passer de la pensée confuse à la pensée claire et distincte, pas de cogito, pas de moment nécessaire de la réflexion qui assure ce passage. Il peut avoir lieu ou pas. (...) Étrange théorie, qu’on a tendance à présenter comme une théorie de la connaissance (le premier des trois genres), alors que l’imagination n’est nullement, en rien, une faculté, mais au fond, seulement le seul monde même dans son « donné ». Par ce glissement, Spinoza non seulement échappe à toute théorie de la connaissance, mais ouvre la voie à la reconnaissance du « monde », comme ce au-delà de quoi il n’est rien, pas même une théorie de la nature, à la reconnaissance du « monde » comme […] totalité unique non totalisée mais vécue dans sa dispersion, et vécue comme le « donné » dans lequel nous somme « jetés » et à partir duquel nous forgeons toutes nos illusions (« fabricae »)[8].

A la théorie de la connaissance, et du sujet connaissant, Althusser oppose donc expressément  la théorie de l’imaginaire comme monde dans sa définition spinoziste.

Cette  théorie du premier genre de connaissance comme « monde », déployée en particulier dans l'Appendice de la première partie de l’Éthique, dessine ainsi les contours d’un monde spécifique de l’imaginaire, inscrit dans la matérialités d’institutions et de pratiques sociales, irréductible donc à la seule sphère des « représentations ». Par là se trouve toujours-déjà institué le monde des formations sociales, le monde des hommes comme monde « vécu », suivant la formule du texte de 1982. Cette expression renvoie à la définition même de l’idéologie dans les textes les plus célèbres que lui consacre Althusser, de Pour Marx (1965) à Idéologie et appareils idéologiques d’État (1970). L’idéologie se trouve en effet d’emblée définie par Althusser, dès les premiers textes relatifs à cette question, comme monde vécu des hommes, en tant que les hommes se représentent leur rapport lui-même nécessairement imaginaire à leurs conditions « réelles » d’existence ; dans l’idéologie, précisément, les hommes expriment non pas la simple relation qu’ils entretiendraient avec leurs conditions d’existence, la « vie réelle », mais plutôt, selon un fonctionnement spéculaire double, la façon dont ils vivent leur relation à leurs conditions d’existence[9].

Il paraît ainsi légitime de lire dans ce « monde vécu des hommes », rapporté à son origine, le matérialisme de l’imaginaire spinoziste, l’autre nom de l’idéologie. L’idéologie constitue, suivant les textes des années 60 et 70 précédemment évoqués, l’élément nécessaire de l’existence des hommes définis comme « animaux idéologiques », c’est-à-dire, également, comme sujets. Le « sujet » représente la catégorie fondamentale - comme telle nécessaire et éternelle - de l’idéologie, en vertu de la fameuse thèse de « l’interpellation en sujet ». Si, comme il est écrit dans Idéologie et appareils idéologiques d’État, « l’idéologie interpelle les individus en sujets », dès lors « le monde vécu » des hommes, l’univers idéologique qui constitue leur élément, est celui d’individus toujours-déjà institués en sujets.

On pourrait aussi mentionner une deuxième dette d'Althusser à l'égard de Spinoza : elle concerne l'élaboration de la notion de causalité structurale, ou efficace d'une structure sur ses éléments, ou « efficace d'une cause absente ». (Destinée à penser la causalité de l'idéologie, la causalité de l'Inconscient (en vertu de l'analogie de l'une à l'autre), et la causalité historique en général ?)

C'est dans Lire le Capital que se donne à entendre la reconnaissance de dette d'Althusser à l'égard du modèle spinoziste de la causalité immanente, alors même que (dans la même page), Althusser admet aussi une dette, sur ce même thème de la causalité structurale, à l'égard de Lacan, et plus spécifiquement de Jacques-Alain Miller.

A l'occasion de la généalogie qu'il propose lui-même du concept de causalité structurale (la clé de voûte invisible-visible, absente-présente de toute l'œuvre de Marx, notamment de sa théorie du mode production), et de son articulation au concept de surdétermination (qu'il a importé de la théorie freudienne du rêve), Althusser écrit : « J'ai tenté naguère de rendre compte de ce phénomène [la détermination, par une structure, de ses éléments, ou d'une autre structure] par le concept de surdétermination, emprunté à la psychanalyse, et on peut supposer que ce transfert d'un concept analytique à la théorie marxiste n'était pas un emprunt arbitraire mais nécessaire, puisque dans les deux cas ce qui est en cause, c'est le même problème théorique : avec quel concept penser la détermination soit d'un élément, soit d'une structure, par une structure ? »[10].

Ce qui est, en jeu, donc, c'est la notion de causalité structurale. Et Althusser propose un rapprochement entre cette notion de causalité structurale et la notion de causalité métonymique, en précisant en note (à propos de la « causalité métonymique »), qu'il s'agit là d'une « expression de J;-A Miller, pour caractériser une forme de causalité structurale repérée par J. Lacan dans Freud »[11]. Mais immédiatement, se trouve mobilisée dans la suite du texte la référence à Spinoza, et au concept de causalité immanente (en jeu dans l'Éthique I), qui constitue le premier modèle de cette notion de causalité structurale, laquelle implique que « la structure soit immanente à ses effets, cause immanente à ses effets au sens spinoziste du terme, que toute l'existence de la structure consiste dans ses effets, bref que la structure qui n'est qu'une combinaison spécifique de ses éléments, ne soit rien en dehors de ses effets » [12].     

L'on notera le caractère déconcertant de cette double et en quelque sorte simultanée reconnaissance de dette, à l'égard du spinozisme et à l'égard de la psychanalyse, comme si se nouait, précisément sur cette question de l'efficace d'une cause absente, le retour à Freud et le détour par Spinoza.

II L'ambivalence de cette double lecture de Freud et de Spinoza.

Cette ambivalence se joue, de façon nodale, sur le terrain de la question du sujet.

Dans la perspective de Freud, relu par Lacan, une place cruciale se trouve accordée à la fonction  sujet, défini comme  sujet de l'Inconscient (distinct du moi imaginaire, de la conscience et de ses vertiges, distinct, donc, du moi psychologique).

En revanche, ce qui intéresse éminemment Althusser, dans la philosophie de Spinoza, dès certains textes datant du début des années 60, c'est ce qu'il appelle son « anti-cartésianisme résolu ». Celui-ci se manifesterait avec éclat dans une   critique radicale, inouïe, de la catégorie sujet (comme des catégories de fin, d'ordre, etc.)[13].

La lecture althussérienne de Spinoza est scandée par cette question du sujet, plus particulièrement celle du sujet pensant, dont Spinoza aurait, le premier, non seulement révélé l'illusion constitutive, celle d'être un sujet souverain (comme il appert de la critique spinoziste du decretum mentis, du libre arbitre, de la dissolution de l'ego cogito, etc.), mais dont il aurait qui plus est proposé la première généalogie, au titre d'illusion structurelle, dans le cadre de son « matérialisme de l'imaginaire ». De fait, Althusser associe de façon remarquable la théorie spinoziste de l'imagination (conçue non pas comme « faculté de l'esprit », mais comme monde vécu des hommes), et la contestation spinoziste (suivant Althusser) d'une théorie de la connaissance, théorie d'obédience cartésienne, fondée sur le postulat d'un sujet de vérité, le sujet connaissant. En d'autres termes, ce qui intéresse au plus haut point Althusser, dans le « matérialisme imaginaire » de l'auteur de l'Éthique, ce serait la mise en cause radicale de la représentation d'un sujet connaissant, et par conséquent la mise en place d'un certain modèle (anti-cartésien) de la pensée et de la connaissance : modèle inouï, anomal, advenu au cœur de l'âge classique, et qui se serait trouvé enseveli pour des siècles dans l'histoire de la philosophie.

Ce qui est en jeu, donc, c'est la théorie spinoziste de la connaissance conçue comme production, émancipée de la juridiction d'un sujet pensant : connaissance conçue comme « procès sans sujet » avant la lettre, contre les théories classiques de la connaissance. Ce  contre-modèle de l'esprit et de la pensée, engagé dans ce qui serait la détermination spinoziste de la « coupure » entre le vrai et le faux (le « verum index sui et falsi »), est directement évoqué par Althusser dans les Éléments d'autocritique de 1974. Dans ce texte, la théorie spinoziste de l'imagination (comme première théorie de l'idéologie) se trouve directement mise en perspective avec une de ses conséquences absolument déterminantes, à savoir la critique spinoziste radicale de la catégorie philosophique générale de « sujet » (et avec la critique du concept cartésien de « sujet », entendu comme sujet de la connaissance, sujet de vérité, précisément, catégorie inséparable de la théorie classique, idéaliste, de la connaissance). Althusser affirme ainsi :

« Mais cette théorie de l'imaginaire allait encore plus loin. En critiquant radicalement dans le Sujet la catégorie centrale de l'illusion imaginaire, elle atteignait au cœur la philosophie bourgeoise, qui se construisait depuis le XIVe siècle sur le fond de l'idéologie juridique du Sujet. L'anticartésianisme résolu de Spinoza se joue consciemment sur ce point, et la fameuse tradition « critique » ne s'y est pas trompée. Sur ce point encore, Spinoza anticipait Hegel, mais il allait plus loin. Car Hegel, qui a critiqué toutes les thèses sur la subjectivité, n'en a pas moins ménagé sa place au Sujet, non seulement dans le « devenir-Sujet de la substance » (par quoi il « reproche » à Spinoza le « tort » d'en rester à la Substance), mais dans l'intériorité du Telos du procès sans Sujet, qui réalise, par vertu de la négation de la négation, les dessins et les destins de l'Idée. Par là, Spinoza nous découvrait, entre le Sujet et la Fin, l'alliance secrète qui « mystifie » la dialectique hégélienne ».

On pourrait poursuivre. Je me contenterai d'un dernier thème : celui du fameux « verum index sui et falsi ». J'ai déjà dit qu'il nous avait paru autoriser une conception récurrente de la « coupure ». Mais il n'avait pas que ce sens. En affirmant que « le vrai s'indique de lui-même », Spinoza s'écartait de la problématique du « critère de la vérité ».  Si l'on prétend juger de la vérité qu'on détient par un « critère » quelconque, on s'expose à la question du critère de ce critère, puisqu'il doit être vrai, et à l'infini. Que le critère soit externe (l'adéquation de l'esprit et de la chose, dans la tradition aristotélicienne), ou interne (l'évidence cartésienne), dans tous les cas le critère est à rejeter : car il n'est que la figure d'une Juridiction ou d'un Juge qui doit authentifier et garantir la validité du Vrai. Et du même mouvement, Spinoza écarte la tentation de la vérité : en bon nominaliste (le nominalisme alors pouvait être, Marx l'a reconnu, l'antichambre du matérialisme) Spinoza parle seulement du « vrai ». De fait, la Vérité et la Juridiction du Critère vont toujours de pair, puisque le critère a pour fonction d'authentifier la Vérité du vrai. Écartées les instances (idéalistes) d'une théorie de la connaissance, Spinoza suggérait alors que le « vrai » « s'indique lui-même », non comme Présence mais comme Produit, dans la double acception du terme « produit » (résultat d'un travail qui le « découvre »), comme s'avérant dans sa production même. (…)[14].       

Or cette critique spinoziste de la catégorie métaphysique de vérité, et de la notion cartésienne afférente de sujet de vérité, était déjà clairement évoquée, c'est remarquable, dès « Psychanalyse et sciences humaines » (1962-1963).

Althusser, dans le cadre même de sa théorie de l’idéologie et de sa réactivation d’un matérialisme de l’imaginaire d’obédience spinoziste, pose de manière constante le fait de la connaissance, conçue comme production et non comme représentation ou juridiction d’un sujet pensant. La notion classique d’un sujet de la connaissance se trouve référée par Althusser, dans les textes qu’il consacre à la généalogie critique de ce Sujet connaissant[15], à une philosophie du jugement héritée de Descartes : philosophie du jugement articulée à une problématique du critère de vérité qui procèderait elle-même d’une méconnaissance de la coupure effective entre vérité et erreur. Tel est un des enjeux du spinozisme revendiqué par Althusser, entendu dans le sens d’un « anti-cartésianisme résolu » qui rejette précisément toute « théorie de la connaissance » (laquelle est toujours une théorie du sujet connaissant), pour lui substituer la théorie du verum index sui : soit, selon les termes du Scolie de la Proposition 43 de l’Éthique II, le modèle de la « veritas norma sui et falsi », ou encore, suivant la perspective du paragraphe 33 du Traité de la Réforme de l’Entendement, celui du « habemus enim ideam veram ». La question de la vérité, par la critique du dispositif conceptuel cartésien du doute et de la certitude, se trouve dissociée de toute question portant sur l’origine de la connaissance vraie (puisque l’idée vraie, de fait, nous l’avons). Par là même, l’activité de connaissance se trouve arrachée à la juridiction supposée d’un sujet « pensant-représentant », d’un sujet connaissant, et conçue dès lors sur le modèle d’une production : production ou processus sans sujet, mais également sans origine ni fin, pour reprendre l’analogie spinoziste entre le processus de la connaissance vraie et le modèle technique de la fabrication exposée dans le paragraphe 31 du Traité de la Réforme de l’Entendement. Cette analogie s’établit, du reste, dans le contexte de la réfutation de la conception cartésienne de la certitude : réfutation corrélative de l’identification spinoziste de la certitude à la seule possession de l’idée vraie, la vérité, en l’espèce, ne requérant d’autre signe qu’elle-même.

Le « spinozisme » d’Althusser le conduit ainsi, dès le séminaire de 1963-1964 (« Psychanalyse et sciences humaines »), à une réfutation du sujet connaissant et du Cogito. Celle-ci offre une analyse singulière des conditions d’émergence de la catégorie philosophique de Sujet (comme sujet de vérité et d’objectivité, sujet connaissant), identifiées à une incompréhension de la nature effective de la distinction entre vérité et erreur : une telle distinction se trouve alors pensée comme partage, sous la juridiction d’un sujet, et non comme coupure. Ainsi, à la question de savoir « pourquoi la vérité s’exprime [chez Descartes] sous la forme de l’ego », Althusser propose la réponse suivante : « C’est un phénomène extrêmement important, parce qu’il est à l’origine de toute la philosophie occidentale ; et la réfutation qu’en a donné Spinoza est une réfutation qui a disparu dans l’histoire, qui a été littéralement submergée par le développement de la problématique ultérieure, et qui n’a peut-être pas encore resurgi, sauf sous une forme latérale et allusive […] Pourquoi est-ce qu’il y a un sujet ? Peut-être la nécessité d’un sujet de la vérité est-elle justement imposée par la problématique de Descartes, qui est une problématique opposant la vérité à l’erreur. C’est peut-être dans ces concepts de vérité et d’erreur que se trouve justement renfermée l’exigence du surgissement d’un sujet comme sujet de vérité. [...] L’erreur est pensée seulement comme l’autre négatif de la vérité […]. Autrement dit, l’erreur est pensée simplement comme le dehors d’une vérité, comme l’exclusion d’une vérité, sans que le rapport à ce dehors soit pensé. Le rapport de l’erreur à la vérité est pensé comme un partage, c’est-à-dire comme le résultat d’un jugement […]. Une philosophie du jugement serait donc fondée sur un certain rapport négatif de la vérité à l’erreur, sur une distinction pensée comme un partage et non comme une coupure, et c’est à partir de là que la catégorie du sujet comme sujet de vérité serait instaurée »[16].

Il est remarquable que cette critique du sujet cartésien, le sujet d’objectivité et de vérité, le sujet de la connaissance, critique simultanée de toute théorie de la connaissance, se trouve encore mise en exergue dans les derniers écrits d’Althusser. Dans le texte de 1985, « Marxisme et philosophie », Althusser rend à nouveau hommage à Spinoza, qui « parle cliniquement du « vrai », pas de la Vérité » : « Il soutenait que « le vrai s’indique de lui-même et indique le faux ». Il s’indique de lui-même non comme présence mais comme produit, dans une double acception : 1) comme résultat du travail d’un processus qui le découvre, 2) comme se prouvant dans la production elle-même ». Ainsi Spinoza « refuse les questions de l’Origine et du Sujet qui soutiennent les théories de la connaissance »[17]. La processualité du vrai, en l’espèce, se donne encore à entendre dans les termes d’une production exclusive de la position d’un Je pense, ou d’un Ego cogito.

Plus fondamentalement, la critique du sujet connaissant se révèle indissociable, en son origine spinoziste elle-même, d’une réappropriation de la théorie de l’imagination proposée dans l’Éthique : imagination identifiée, non à une « faculté » de l’esprit, mais au monde vécu des hommes dans le cadre de ce qu’Althusser appelle dans les Éléments d'autocritique « un matérialisme de l’imaginaire ».  

Il existerait ainsi une dimension fondamentalement et radicalement subjectiviste de la philosophie de Spinoza dans la lecture qu'en propose Althusser. Cet anti-subjectivisme apparaît peut-être aux yeux d'Althusser plus radical encore que celui de Lacan. L'on sait toute l'importance des travaux de Lacan, pour le programme althussérien de constitution d'une théorie de l'idéologie : ainsi les concepts d' « ordre symbolique », de « Loi de Culture », de « Nom du Père », de « fonction de reconnaissance / méconnaissance », de « division constituante du sujet ». Pourtant, Althusser n'a jamais véritablement ou complètement admis le concept lacanien, fondamental, de « sujet de l'Inconscient » ; hormis, de façon très fugitive, en 1966, dans le cadre du projet concernant une « théorie générale du signifiant » évoqué dans les  Trois notes sur la théorie des discours. On y lit alors une référence à un « effet-sujet » (de la science, et de l'Inconscient), hypothèse très vite abandonnée toutefois, dans le cadre même de ce projet de « théories des discours » (projet ultérieurement développé, de façon distincte, par Pêcheux et Foucault)[18].

L'on note, par conséquent, une divergence importante de ces perspectives (freudienne / spinoziste), pourtant inscrites toutes deux dans le contexte général de la lutte contre le psychologisme, et contre un paradigme philosophique « cartésiano-husserlien » au cœur des « philosophies de la conscience et du sujet »..

III L'ambivalence de la question du sujet chez Althusser.

L'ambivalence de la condition de sujet, dans l'œuvre d'Althusser, semble liée d'une part à son anti-subjectivisme radical (son « spinozisme », pourrait-on dire), et d'autre part à sa théorie spécifique de la nécessité de l'idéologie, qui induit paradoxalement (dans cette configuration anti-subjectiviste) la nécessité même de la catégorie sujet, son caractère proprement inéliminable.

Le sujet en effet, dans sa définition althussérienne, se trouve défini comme la « catégorie fondamentale de l'idéologie », selon I et AIE, qui identifie conjointement « l'interpellation en sujet » comme le mécanisme fondamental de l'idéologie.

Dans la mesure où l'idéologie est éternelle, la catégorie de sujet doit l'être également, en dépit de son lien privilégié avec « la philosophie bourgeoise », « l'idéologie juridique du sujet », et la philosophie classique (sous les traits du cartésianisme). Par conséquent, cette catégorie sujet ne saurait se réduire à une catégorie déterminée de l'histoire de la philosophie, assignable à une configuration philosophique et historique particulière. Tout comme l'idéologie, elle est « sans histoire », autrement dit elle est douée elle-même d'une sorte d'éternité qu'on pourrait associer à une sorte de nécessité conceptuelle. Sous cet aspect, la catégorie sujet se révèle plus complexe que d'autres catégories philosophiques « idéalistes », comme celle d' »homme » par exemple. Il semblerait donc que cette catégorie sujet résiste à « l'anti-humanisme théorique » d'Althusser, à son anti-psychologisme également, malgré la virulence du combat engagé contre les « philosophies de la conscience », identifiées aux philosophies du sujet souverain. Ce combat, en effet, n'induit pas l'abandon univoque du concept de sujet, mais plutôt sa ré-élaboration radicale (à rebours de sa thématisation cartésienne).

Dans I et AIE, se trouvent proposées les thèses suivantes, constituant la « théorie de l'interpellation ».

Tout d'abord, la thèse centrale : « L'idéologie interpelle les individus en sujets »[19]. Thèse qui se trouve immédiatement précisée dans les termes suivants : « (…) il n'y a d'idéologie que par le sujet et pour des sujets. Entendons : il n'y a d'idéologie que pour des sujets concrets, et cette destination de l'idéologie n'est possible que par la catégorie de sujet et son fonctionnement ».

Cette thèse, toutefois, se spécifie et se complexifie, par l'affirmation selon laquelle l'idéologie « a toujours-déjà interpellé les individus en sujets », de sorte que : « Les individus sont toujours déjà des sujets » [20]. Ainsi peut-on lire, dans I et AIE, une incise étonnante, à propos des « rituels » de reconnaissance, et également de « l'évidence idéologique élémentaire » d'être sujet (en jeu la question « Qui est-là ? », posée à travers la porté fermée, qui appelle la réponse « c'est moi ! ») ; remarque étonnante, parce qu'elle procède d'une interpellation du lecteur, par le sujet Althusser, et paraît marquer l'irruption de ce « Je » singulier pris dans l'acte d'écriture de I et AIE, induisant une sorte de brouillage, de vertige temporel.

Telle est donc la remarque d'Althusser :

« (…) je veux seulement faire remarquer que vous et moi sommes toujours déjà des sujets, et, comme tels, pratiquons sans interruption les rituels de la reconnaissance idéologique, qui nous garantissent que nous sommes bel et bien des sujets concrets, individuels, inconfondables et (naturellement) irremplaçables. L'écriture à laquelle je procède actuellement et la lecture à laquelle vous vous livrez actuellement [note : « Notez : ce double actuellement est une fois de plus la preuve que l'idéologie est "éternelle", puisque ces deux « actuellement » sont séparés par n'importe quel intervalle de temps, j'écris ces lignes le 6 avril 1969, vous les lirez n'importe quand »] sont, elles aussi, sous ce rapport, des rituels de la reconnaissance idéologique, y compris "l'évidence" avec laquelle peut s'imposer à vous la "vérité" de mes réflexions leur "erreur" »[21].

Quoi qu'il en soit, le sujet se constitue par définition à travers le mécanisme de l'interpellation, qui est le mécanisme fondamental de l'idéologie. A ce titre « devenir » un sujet, se constituer comme sujet, signifie être « interpellé » en tant que tel. Le petit « théâtre théorique » althussérien de l'interpellation policière (« hé, vous, là-bas ! ») engage la conception (« non-cartésienne », opposée à la représentation d'un sujet souverain)) d'une condition subjective constituée par et dans l'assujettissement (l'assujettissement à la loi, dans cet exemple de l'interpellation policière)[22].

Mais, et c'est le paradoxe apparent, la nécessité d'un tel assujettissement, au principe de l'être-sujet, implique qu'en vérité (au-delà de la métaphore théâtrale), le mécanisme de l'interpellation n'est pas de nature temporelle, ne s'inscrit pas dans l'ordre de la succession (« Je » suis interpellé, et « je » réponds). L'absence de cadre temporel est ainsi clairement marquée, dans I et AIE : « Mais dans la réalité les choses se passent sans aucune succession. C'est une seule et même chose que l'existence de l'idéologie et l'interpellation des individus en sujets »[23]. Or cette absence de succession temporelle, cette simultanéité, sont un corrélat de la nécessité du processus de subjectivation-assujettissement (la nécessité même de l'idéologie) : en effet, le monde humain, le monde historique, est par définition un monde idéologique, puisque l'idéologie, quelle que soit la forme particulière qu'elle prenne, quelle que soit la formation sociale dont elle relève, constitue (suivant une thèse de Pour Marx) l'élément dans lequel tout individu humain, avant même d'être né, existe et agit (suivant l'exemple de I et AIE, repris de « Freud et Lacan »).

Althusser écrit : « Donc l'idéologie interpelle les individus en sujets. Comme l'idéologie est éternelle, nous devons maintenant supprimer la forme de la temporalité dans laquelle nous avons représenté le fonctionnement de l'idéologie et dire : l'idéologie a toujours-déjà interpellé les individus en sujets, ce qui revient à préciser que les individus sont toujours-déjà interpellés par l'idéologie en sujets, ce qui nous conduit nécessairement à une dernière proposition : les individus sont toujours-déjà des sujets. Donc les individus sont « abstraits » par rapport aux sujets qu'ils sont toujours-déjà. Cette proposition peut paraître un paradoxe »[24].

Le paradoxe est ici nommé (par Althusser lui-même, il faut le préciser) et il semble que nous rencontrions ici le point nodal qui serait celui du « problème de la circularité » supposément à l'œuvre dans la théorie althussérienne de l'interpellation, suivant certains auteurs et commentateurs[25]. Le cercle logique, selon ces auteurs, serait le suivant : si l'interpellation (l'interpellation policière, ou bien l'appel divin performatif, l'adresse de Dieu à Moïse, suivant le second exemple d'Althusser dans I et AIE) constitue bien le sujet en sujet (selon un processus de subjectivation incompatible avec la thèse du « primat » ou de l'évidence idéologique d'un sujet purement originaire) ; il apparaît cependant que le destinataire d'une telle interpellation, à savoir l'individu qui se retourne et répond à l'Appel (de la loi ou de Dieu), se reconnaît lui-même comme le destinataire, précisément, de cet appel : comme si le sujet avait toujours-déjà existé, avant même d'être « interpellé ». C'est sur le constat de cette « circularité », que se fondent les critiques (souvent d'inspiration lacanienne, celle de Žižek en particulier) dirigées contre la théorie althussérienne, accusée de ne pas pouvoir rendre raison de ce processus de subjectivation. Ces lectures critiques ont même évoqué, pour nommer la supposée circularité à l'œuvre dans la théorie althussérienne du devenir-sujet, un « effet Münchausen », en référence à « l'immortel baron » (le héros de l'ouvrage de Rudolf Erich Raspe, Les aventures du baron de Münchhausen) qui « s'élevait dans les airs en se tirant lui-même par les cheveux ».

Il nous semble, cependant, que le constat de cette circularité est fondé sur une certaine confusion des registres (ce que la théorie décrit, et la façon dont elle en rend raison), et l'objection pourrait ainsi se révéler moins forte qu'il n'y paraît à première lecture, sinon fourvoyante.

En guise de réponse à l'objection, l'on peut s'appuyer sur les travaux particulièrement stimulants conduits dans les années soixante-dix par un élève d'Althusser, Michel Pêcheux, à l'intersection de la philosophie, de la linguistique, et de la théorie lacanienne[26]. Pêcheux entend poursuivre le programme althussérien d'une théorie de l'idéologie qui engage simultanément une analyse matérialiste (anti-subjectiviste), de la condition de sujet, considéré comme sujet du discours.

Dans le registre de sa « théorie du discours », et de la mobilisation des catégories cruciales d'interdiscours et d'intra-discours, enjeu de son ouvrage   publié chez Maspero en 1975, Les Vérités de la Palice, Pêcheux dessine les contours d'un sujet constitué, dans la continuité de la théorie althussérienne de l'interpellation en sujet, mais dans la perspective nouvelle d'une réflexion sur la sémantique et les pratiques discursives. Cette réflexion présente ceci d'original qu'elle donne à entendre un « on » (caractéristique de l'interdiscours), toujours-déjà présent,  sous la forme de sa propre dissimulation, dans les interstices d'un intradiscours, la parole en première personne, la parole du sujet parlant, dont la spontanéité se double d'une méconnaissance, que l'on pourrait dire structurelle, (typiquement idéologique) de sa propre constitution par et dans l'interdiscours. Cette réflexion conduit Pêcheux à l'analyse singulière de la condition subjective, de « l'être-sujet », comme condition essentiellement paradoxale, marquée du sceau de la contradiction, contradiction inéliminable et dont il reconnaît la nécessité, qu'il ne vise donc pas à réduire ou à effacer. Cette contradiction, c'est  celle – pour reprendre la terminologie de Pêcheux – d'une « cause de soi » produite comme résultat, ou encore, d'un « effet-sujet », indissociable d'un « effet de sens », compris comme un « effet de pré-construit ». Une telle compréhension de l'être constitué du sujet, fantasmatique « cause de soi » poursuit le combat engagé par Althusser contre le subjectivisme et le psychologisme. Pour la réalisation de ce programme, Pêcheux mobilise les travaux de Lacan, qui marqua constitutivement de son empreinte la théorie de l'idéologie proposée par Althusser.

Cette contradiction du sujet mise en relief par Pêcheux, c'est la contradiction qui consiste à produire comme résultat une « cause de soi ». La thématisation de cette contradiction mobilise, outre la référence implicite à Spinoza, la référence à la théorie lacanienne de la chaîne signifiante et de l'inscription (« prise ») du sujet à l'intérieur de cette chaîne signifiante (effets de shifting, constructions syntaxiques, etc.), chaîne signifiante qui lui préexiste en quelque sorte. C'est ce qu'indique, nommément, la reprise de la définition lacanienne du signifiant comme « ce qui représente le sujet pour un autre signifiant »[27].

Or cette condition non principielle de la subjectivité se trouve nécessairement effacée dans le phénomène de la reconnaissance et de l'identification (conçue comme assujettissement et élaboration d'un moi imaginaire). Telle est aussi la contradiction inhérente à l'identité subjective. « L'effacement, nécessaire à l'intérieur du sujet comme « cause de soi », du fait qu'il résulte d'un processus a (…) pour conséquence la série de ce qu'on pourrait appeler les fantasmes métaphysiques, qui touchent tous à la question de la cause »[28]. Or ces fantasmes métaphysiques à propos de la causalité, et l'effet fantasmatique du processus de constitution en sujet, le fantasme du sujet à l'origine du sujet: tous ces fantômes métaphysiques se trouvent désignés par Pêcheux, de façon insistante et récurrente, par le « nom d'effet Münchhausen », précisément. Cette figure hante d'ailleurs tout le livre de Pêcheux, du début à la fin.

En effet, l'enjeu de la théorie du sujet, indissociable dans le livre de 1975 de la théorie du discours destinée à dissoudre le fantasme du sens à l'origine du sens, ou celui de « l'évidence du sens », symétrique de « l'évidence du sujet »: cet enjeu consiste également dans la tentative de conjuration d'un fantôme philosophique persistant (l'idéalisme et le subjectivisme). Il s'agit d'éviter de répéter, sous la forme d'une analyse théorique, l'effet Münchhausen caractéristique de la constitution en sujet[29].

Ainsi, pour répondre aux différentes critiques (se réclamant par ailleurs de Lacan) adressées à la théorie althussérienne de l'interpellation, nous pouvons souligner que si contradiction il y a, il s'agit de la contradiction et de la circularité constitutives de la subjectivité elle-même. Or ce sont cettecontradiction et cette circularité  que la théorie d'Althusser (loin d'être prise aux pièges de l'effet Münchhausen) donne précisément à entendre, en leur nécessité. Dans la mesure où cette théorie est anti-subjectiviste, elle refuse d'oblitérer une telle contradiction, mais tend au contraire à la mettre au jour (à la lumière de la théorie). Et l'effet Münchhausen, à ce titre, n'est pas inhérent à la conception althussérienne de la subjectivité ; il est bien plutôt constitutif, indissociable de la subjectivité elle-même, en tant que celle-ci tient son être de l'oubli (nécessaire, l'oubli au sens freudien du refoulement) des conditions qui la déterminent, ce qu'Althusser appelle précisément « l'effet idéologique élémentaire », ce qu'on peut appeler également « l'effet-sujet ».

On l'aura noté, la théorie de l’idéologie, qui occupe une place déterminante dans le programme philosophique d’Althusser à partir du début des années 60, et commande tout le « retour à Marx », se révèle éminemment ambivalente, concernant la question du sujet. D’un côté en effet, le plus immédiat, cette théorie paraît entraîner la disqualification philosophique de la notion de sujet. Le mécanisme fondamental de l’idéologie, tel qu’il se trouve décrit dans le texte de 1970, l’interpellation en sujet, implique que le sujet se trouve dès lors identifié à la catégorie idéologique par excellence, indissociable de l’illusion d’être un sujet libre, unique, responsable, irremplaçable, etc. (ce qu’Althusser nomme l’ « effet idéologique élémentaire »). Cependant, d’un autre côté, cette théorie de l’interpellation en sujet, jointe à la thèse fondamentale de l’éternité, autrement dit de la réalité spécifique, de l’idéologie,  entraîne une autre conséquence, paradoxale chez ce partisan d’un « anti-cartésianisme résolu » qu’est Althusser. La catégorie sujet se révèle aussi, tout comme l’idéologie, dotée d’une sorte de nécessité et d’éternité, ce qui la rend irréductible au statut de simple « catégorie idéologique » dépendante d’une formation sociale particulière. Il faut bien alors reconnaître une forme de rémanence de la catégorie sujet, sous la forme du sujet de l’idéologie, sujet décentré et assujetti comme tel, sujet dont la présence est encore lisible dans le texte de 1982, « Le courant souterrain du matérialisme de la rencontre », texte évoquant ce « processus, sans sujet mais imposant aux sujets (individus ou autres) qu’il domine l’ordre de son développement sans fin assignable »[30].

La réaffirmation d’un matérialisme de l’imaginaire, dans les textes mêmes des années 80, indique la persistance obstinée de cette question du sujet (comme sujet idéologique précisément, autrement dit comme sujet opaque et assujetti), dans la pensée d'Althusser, à travers toutes les inflexions et reformulations de la théorie, jusque dans les textes consacrés au matérialisme aléatoire.

Le sujet, sous la figure du sujet assujetti (sujet structurellement assujetti à l'Autre, au Sujet, et à l'ordre symbolique, thème du sujet assujetti dont on trouve une première version, décisive, dans les Écrits de Lacan) ; le sujet, donc, n’est pas entièrement éliminé. Il demeure la catégorie constitutive du monde imaginaire, de l’idéologie, et l’idéologie est absolument inéliminable, quelle que soit la formation sociale considérée. Cette nécessité du sujet, certes, n’est pas celle du sujet connaissant. Au sujet cartésien, au sujet de vérité, sujet de la connaissance, se substitue donc le sujet assujetti du monde imaginaire et idéologique, qui est précisément le monde humain : l'homme est nécessairement sujet, dans la mesure où il est « l'animal idéologique » par excellence.

Le spinozisme d’Althusser, toujours actif à la fin de son parcours philosophique, le maintient donc dans la position d’un anti-cartésianisme radical : autrement dit, la référence à Spinoza est et demeure stratégique dans le projet althussérien (jamais renié) de dissolution de la thématisation classique du sujet pensant. Et pour autant, avec la thématisation d'un sujet constitué, le sujet (toujours-déjà) constitué dans la sphère idéologique-anthropologique-sociale, on peut considérer qu'Althusser contribue à une thématisation décisive, à propos de l'inscription sociale-symbolique de l'être sujet : thématisation si présente dans la philosophie contemporaine, notamment dans les débats autour de la question de la « reconnaissance » (cf. notamment Judith Butler).

Ajoutons toutefois que l'anti-subjectivisme radical d'Althusser, qui se nourrit de la tradition anti-psychologiste ouverte par Lacan, au cœur même de la psychanalyse, recèle une vertu puissamment actuelle : celle de nous garder de possibles interprétations humanistes (anthropologistes), existentielles ou psychologisantes des conditions sociales de la subjectivité. Cet anti-subjectivisme s'inscrit dans la continuité, donc,  de l'enseignement de Lacan : Lacan qui, dans l'ordre de la théorie de l'inconscient, récusait toute « repsychologisation » de la psychanalyse dont la fonction était d'oblitérer la découverte révolutionnaire de Freud. Celle-ci en effet contestait le mythe de « l'homo psychologicus », tout comme la découverte par Marx du « continent-Histoire » avait rejeté le mythe de « l'homo oeconomicus » en général.



[1]     L. Althusser, « Idéologie et appareils idéologiques d’État » (La Pensée, n°151, juin 1970), texte repris dans Positions, Éditions Sociales, 1976. Texte dorénavant noté I et AIE.

[2]     Cf. sur ce point mon ouvrage, Althusser et la psychanalyse, Paris, PUF, coll. « Philosophies », 2009.

[3]     J. Lacan, « Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse » [1953], texte repris dans les Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 279.

[4]     L. Althusser, « Freud et Lacan », La Nouvelle Critique, n° 161-162, déc-janv. 1964-1965. Article repris dans Positions, Paris, Éditions Sociales, 1976, pp. 9-34.

[5]     L. Althusser, I et AIE, in Positions, pp. 115-116 : « Qu'un individu soit toujours-déjà sujet, avant même de naître, c'est pourtant la simple réalité, accessible à chacun et nullement un paradoxe. Que les individus soient toujours « abstraits » par rapport aux sujets qu'ils sont toujours-déjà, Freud l'a montré, en remarquant simplement de quel rituel idéologique était entourée l'attente d'une « naissance », cet « heureux événement ». Chacun sait combien, et comment un enfant à naître est attendu. […] : il est acquis d'avance qu'il portera le Nom de son Père, aura donc une identité, et sera irremplaçable. Avant de naître, l'enfant est donc toujours-déjà sujet, assigné à l'être dans et par la configuration idéologique familiale spécifique dans laquelle il est « attendu » après avoir été conçu ».

[6]     L. Althusser, Éléments d'autocritique, Paris, Hachette, 1974, ch. 4, « Sur Spinoza », pp. 72-73.

[7]     Ibid, pp. 81-82.

[8]     L. Althusser, Écrits philosophiques et politiques, I, Textes réunis et présentés par François Matheron, Paris, Stock / IMEC, 1994, p. 551.

[9]     Le thème de la spécularité double de l’idéologie, en jeu dans sa caractérisation comme « monde vécu », est déjà repérable dans Pour Marx (Paris, Maspero, 1965), au  chapitre  7  intitulé « Marxisme et humanisme ».

[10]    L. Althusser, « L'objet du Capital », in Lire le Capital (avec E. Balibar, R. Establet, P. Macherey, J. Rancière, Paris, Maspero, 1965), rééd. « Quadrige », Paris, PUF, 1996, p. 404.

[11]    Ibid., p. 405, note 42.

[12]    Ibid., p. 405.

[13]    Cf. à cet égard le second des deux exposés d'Althusser prononcés dans le cadre de son séminaire tenu à l'ENS en 1963-1964, consacré à Lacan, la psychanalyse et les sciences humaines ; ces deux textes ont été publiés par Olivier Corpet et François Matheron sous le titre Psychanalyse et sciences humaines. Deux conférences (1963-1964), Paris, Le Livre de poche, 1996.

[14]    L. Althusser, Éléments d'autocritique, pp. 73-74.

[15]    Depuis les conférences du séminaire (précédemment évoqué) « Psychanalyse et sciences humaines » à l’ENS de 1963-1964, jusqu’aux derniers écrits consacrés au « matérialisme de l’imaginaire » de Spinoza, en passant par les Éléments d’autocritique.

[16]    L. Althusser, Psychanalyse et sciences humaines, Seconde conférence, pp. 115-117.

[17]    L. Althusser, Sur la Philosophie, Paris, Gallimard, 1994, p. 59.

[18]    L. Althusser, Trois notes sur la théorie des discours, Note 1, in Écrits sur la psychanalyse, Textes réunis par Olivier Corpet et François Matheron, Paris, Stock / IMEC, pp. 131-140.

[19]    L. Althusser, I et AIE, p. 110.

[20]    Ibid, p. 115.

[21]    L. Althusser, I et AIE, p. 112.

[22]    Ibid., pp. 113-114.

[23]    Ibid., p. 114.

[24]    Ibid., p. 115.

[25]    Cf. en particulier les critiques adressées à la théorie althussérienne de l'interpellation, de la part de Slavoj Žižek (The Sublime Object of Ideology, London, Verso Books, 1989), et également de la part de Mladen Dolar (« Beyond Interpellation », Qui parle, Vol. 6, n° 2, printemps/été 1993).

[26]    Sur ce point, je renvoie à mon article intitulé « Pour une théorie non subjectiviste de la subjectivité : Jacques Lacan relu par Michel Pêcheux », paru dans la revue Savoirs et clinique, n° 16, mars 2013, éditions Érès, pp. 36-46.

[27]    M. Pêcheux, Les vérités de La Palice, Paris, Maspero, 1975, p. 141, et conclusion, pp. 240-245.

[28]    Ibid., pp. 141-142.

[29]    Ibid., p. 142.

[30]    L. Althusser, Écrits philosophiques et politiques, I, p. 563.